Sur les pas du père Brottier et de Georges Clémenceau n4
Georges CLEMENCEAU
(3e Partie - Le Tigre - 1914 - 1918)
A l'annonce de l'assassinat de l'Archiduc François-Ferdinand d'Autriche à Sarajevo, Clemenceau, connaissant le jeu des alliances, avait dit : « Alors, c'est la guerre ! ». En effet, le 1er Août 191 k, l'Allemagne déclare la guerre à la Russie et deux jours plus tard à la France. Le k Août, elle envahit la Belgique. Les événements vont vite, l'avancée allemande est brusque. A la rédaction de « l'Homme Libre » Clemenceau tourne en rond. A un rédacteur qui l'interroge sur la situation, il rugit : « Ce n'est pas un désastre, c'est une grande défaite. Nous abandonnons tout le Nord, Charleroi... Mais on se battra ! J'ai 73 ans, je suis prêt à prendre un fusil ! »
Le Président du Conseil. Viviani, accourt chez lui : « Clemenceau, je veux remanier mon cabinet. En serez-vous ? » - « Non, Viviani, je n'en suis pas. Vous êtes victime de généraux de jésuitières. Je serai plus utile dehors à crier. »
Les Allemands avancent vers Paris. Clemenceau en rage se rend chez le Président Poincaré : « Vous avez ramassé un tas de nullités et, avec ça, vous faites un gouvernement. Vous trompez l'opinion publique ! ».
Le deux septembre, le gouvernement quitte Paris pour Bordeaux. Au même moment Joffre, généralissime, et Gallieni, gouverneur militaire de Paris lancent une contre-offensive qui va bloquer l'ennemi sur la Marne. Dans son journal « L'Homme Libre », Clemenceau dit la vérité. Malvy, ministre de l'Intérieur, suspend le journal. « Je m'incline » dit le Tigre, « mais demain je publie un autre journal », «L'Homme Enchaîné ». Et les politiques en prennent pour leur grade : « Je les méprise profondément. Tous des incapables et je me fou de la censure ! ». A Briand, nouveau Président du Conseil, qui défend Joffre, il assène : « Non et non 1 Plus de Joffre ! Qui a gagné la Marne ! C'est Gallieni avec son esprit de décision, son audace... et ses taxis ! Mais qui a laissé les boches entrés jusqu'aux portes de Paris, c'est Joffre ! Jamais un général n'avait reculé aussi loin ! ».
Mais Poincaré n'est pas encore prêt à limoger Joffre, craignant les remous de l'opinion.
En 1915, Clemenceau est nommé Président de la commission des Armées au Sénat. Et il veut flairer le boche et voir le poilu dans les yeux. Malgré les recommandations des gradés, il se fait conduire dans les postes proches de l'ennemi. Il a un mot pour tous ses soldats boueux et étonnés : « On les aura ! ». Au poste 8 bis, il faut ramper dans la boue. Clemenceau se glisse près du guetteur et lui dit : « Quoi de nouveau ! » sans se retourner, le poilu lui donne un bourrade du coude en lui lançant : « Ta gueule ! Ils sont là ! ». Et en se retournant : « Oh, pardon, Président ! ». Et Clemenceau, ravi, « C'est rien, t'es un brave 1 Embrasse-moi ! Et surtout, ne les manque pas ! ».
Le Tigre rentre du Front, il bondit chez Poincaré et lui raconte ce qu'il a vu : « C'est d'un gouvernement d'acier dont la France a besoin et non d'une bande de chiffonniers, de politiciens inconséquents, d'opportunistes incompétents alors que la troupe pourrit sur place dans la boue des tranchées. Plus un instant à perdre. Un gouvernement de combat ! Voilà ce qu'il faut ! » Et Clemenceau claque la porte.
Mais le 26 février 1916, le Kaiser lance une grande offensive sur la Champagne. Un déluge de feu tombe sur Verdun et le Fort de Douaumont. La guerre va s'embourber dans cette immensité de boue, de neige sale, d'arbres arrachés, de terriers pilonnés par les bombes. L'arrivée du général Pétain galvanise les troupes et permet de reprendre Vaux et Douaumont, mais au prix de quelles pertes humaines !
Clemenceau a le cœur déchiré en voyant revenir de cet enfer les jeunes de vingt ans blessés, éclopés, amputés, au regard halluciné. « La jeunesse française s'abîme dans la boue de Verdun. ».
L'année 1917 débute. Gallieni est mort de maladie, Joffre a été remplacé par Nivelle, Pétain est généralissime, Malvy,puis Ribot, Présidents du Conseil démissionnent. A l'étranger, le Tsar de Russie a été renversé par les bolcheviques. A Paris, on pne Clemenceau de faire un signe pour que Poincaré lui fasse appel, mais le Tigre hésite : « Loin de rechercher le pouvoir, j'en ai une peur atroce. Regardez-moi, j'ai 76 ans, je suis pourri de diabète, plus de prostate. Et puis je ne suis pas très sûr qu'au point où nous en sommes, nous puissions encore nous tirer de là ! Poincaré m'offrira le pouvoir, je l'accepterai. On ne peut pas refuser le pouvoir mais celui-ci aura ceci de nouveau : ce sera « le » pouvoir, le vrai ! ».
Clemenceau remet la Légion d'honneur au père Laurent : « C'est la France qui vous la donne et elle vous remercie ». Tout ému, le père Laurent murmure : « C'est la première fois que j'embrasse un Président du Conseil. » - « Ne t'inquiète pas », répond le Tigre. « moi, c'est la première fois que j'embrasse un curé ». |
Effectivement Poincaré le convoque le 1 5 novembre : « Réussirez-vous sans tarder à former une équipe cohérente ! » -« mon gouvernement est déjà formé ! ». Le 16 novembre 1917, Georges Clemenceau est nommé Président du Conseil. Son chef de cabinet sera Georges Mandel assisté de Wormser, Pams est à l'Intérieur, Klotz aux Finances, Pichon aux Affaires Etrangères et Ignace à la Justice. Le cabinet militaire est dirigé par le général Mordacq avec comme second Jules Jeanneney. Paul Painlevé, précédent président du Conseil, lui avait suggéré de garder quelques-uns de ses ministres : « Non, avait hurlé Clemenceau, un gouvernement qui gouverne est un gouvernement qui révoque. En conséquence, je brûle tout, même les meubles ! ».
Le 20 novembre 1917, il monte à la tribune. C'est le grand discours que la France attend et que tous les poilus attendent : « Nous nous présentons devant vous dans l'unique pensée d'une guerre intégrale. Nous avons de grands soldats issus d'une grande histoire. Ils ont des droits sur nous. Nous serons sans faiblesse. Plus de campagnes pacifistes, plus de menées allemandes. Ni trahison, ni demi-trahison : La guerre. Rien que la guerre. Le pays connaîtra qu'il est défendu. Un jour, de Paris au plus humble village, des rafales d'exclamations accueilleront nos étendards vainqueurs. Ce jour, le plus beau de notre race, il est encore en notre pouvoir de le faire. Nous vous demandons, Messieurs, le sceau de votre volonté ! ». Des applaudissements, une ovation. La confiance est votée.
II n'y a pas de temps à perdre car, sur le front, la guerre dure. A la Chambre, Clemenceau continue à faire face à ses adversaires : « On me demande ma politique ? Politique intérieure :je fais la guerre ! Politique étrangère :je fais la guerre ! Je fais toujours la guerre. La Russie nous trahit : je continue à faire la guerre et je continuerai jusqu'au dernier quart d'heure, car c'est nous qui aurons le dernier quart d'heure ! ».
Sa vie est réglée à la minute depuis le lèvera 5 heures, la soupe, la gymnastique, l'étude des dossiers, la réception d'experts, la situation militaire, le conseil de cabinet jusqu'à la séance des signatures avant le dîner. A moins que le Président ne décide de se rendre dans les tranchées et les cantonnements où les poilus l'appellent familièrement « Le Vieux » :et où il arrive toujours avec quelques paquets de tabacs dans les poches.
Le 6 mai, au Mont Renaud, il remet la Légion d'honneur à l'aumônier, le père Laurent : « C'est la France qui vous la donne et elle vous remercie. » Tout ému, le père Laurent murmure : « C'est la première fois que j'embrasse un Président du Conseil. » - « Ne t'inquiète pas », répond le Tigre, « moi, c'est la première fois que j'embrasse un curé. »
A l'Intérieur, Clemenceau a fait la « grande lessive ». Tout déserteur, tout espion est jugé et passé par les armes. Sur le front, ça va mal. Le 21 Mars 1918, Ludendorff a lancé une violente attaque allemande sur le front anglais vers Compiègne et Amiens. La fameuse « grosse Bertha » arrose Paris de près de trois cents bombes. Le Tigre monte à Montdidier voir le maréchal anglais Haig et lui promet des renforts de Pétain. Mais Pétain réagit : « Non, impossible ! Mes ordres sont de défendre Paris ».
Cinq jours plus tard à Doullens lors d'une conférence de tous les chefs militaires, Clemenceau, malgré les réticences des Anglais et des Américains, réussit à faire nommer le général Foch commandant en chef des troupes interalliées. Journée historique. Ce commandement unique attribué à Foch va jouer sur l'issue du conflit. Clemenceau dira plus tard : « Pétain était un défensifet Foch un offensif. ».
Il continue sa tournée des tranchées et réconforte les poilus ; « Le Vieux est là, ça ira ! ». Un jeune sergent cueille quelques misérables fleurs frémissant au vent en haut de la tranchée et lui offre : « Monsieur le Président, on a confiance en vous, vous allez la gagner cette guerre ! » Le Président a le regard mouillé et la gorge serrée : « Merci les gars, je les garderai toujours auprès de moi1 » .Il tiendra parole et les fera mettre dans son cercueil !
Le 27 Mai 1918 l'artillerie allemande écrase les positions françaises au Chemin des Dames. Foch met trente divisions à la disposition de Pétain pour colmater la brèche. Mangin harcèle l'ennemi. A Briand qui propose une paix immédiate, Clemenceau répond : « Unepaixsans victoire... Jamais ! ». Aux Etats-Unis qui veulent négocier : « Pas de paix séparée ! ». Enfin, après l'assaut de Mangin, l'arrivée des Américains, l'empire austro-hongrois s'effondre et Guillaume II abdique. Le 7 Novembre, Foch rencontre les plénipotentiaires allemands à Rethondes.
Quatre jours plus tard, le 11 Novembre 1918, un télégramme annonce : « Armistice à 11 heures ». A 11 heures, les cloches de Paris sonnent à toute volée, une marée humaine envahit les rues. A la Chambre, l'hémicycle est plein. Clemenceau monte à la tribune, tremblant : « A cette heure, à cette grande heure terrible et magnifique, mon devoir est accompli. Au nom du peuple français, j'envoie le salut de la France, une et indivisible, à l'Alsace et à la Lorraine enfin retrouvées. Et puis honneur à nos grands morts qui nous ont fait cette victoire ! Grâce à eux, la France, hier soldat de Dieu, aujourd'hui soldat de l'humanité, sera toujours le soldat de l'idéal / * Puis il redescend à son banc, prend sa tête dans ses mains et il pleure. Il lui reste maintenant à gagner... la paix !
Claude Mercier
Je cède à titre gratuit à l'Union Nationale des Combattants, le droit de reproduire ce texte et les photos pour la réalisation de la plaquette N°4 du « Centenaire de l'UNC ».
Claude Mercier
A SUIVRE : (2018) - Clemenceau, le Père la Victoire ( 1918-1929)
Le Père Brottier à St-Quentin et a Verdun
Le 121e a perdu 1100 hommes dans la Somme.
L'Historique du régiment ajoute :
« La durée de l'effort, la sévérité de la lutte, la violence des bombardements, la nature du sol et les difficultés de l'existence matérielle font de la bataille de la Somme la période la plus dure de l'histoire du régiment pendant la grande guerre ».
Le Père Brottier recueillit des épisodes de la Somme deux étoiles de plus à sa Croix de guerre, l'une à l'ordre de la 6e division le 26 novembre 2016 et l'autre le 1 7 mai 1917 à l'ordre du 105ème régiment d'Infanterie.
Pendant le mois de décembre, le régiment revient aux tranchées dans l'Oise du côté de Lassigny.
Le mois de janvier 1917 est rigoureux, la température descend à moins 20°.
Février et mars sont calmes. Le 121e se trouve dans le même secteur, du côté de Saint-Quentin.
Le 1 5 mars, les soldats constatent que les tranchées d'en face sont inoccupées. Alors, toute la division se porte en avant sans résistance et le 18 mars à 11 hOO, le Père Brottier, devenu aumônier divisionnaire, entre à la tête du 1LT bataillon, dans la ville de Noyon délivrée.
Les habitants de la ville n'avaient pas vu de soldats français depuis 191 k !
Fin mars : retour à Saint-Quentin.
Après quelques escarmouches début avril, le 1 3 avril à 5heures du matin, le 121e est désigné pour prendre deux places fortes ennemies devant st Quentin : le Moulin-sous-Tous-vents et la ferme du Pire-Aller.
Attaque terrible où le régiment s'illustre de façon glorieuse, mais laisse, hélas, 18 officiers et 400 hommes sur le terrain.
Selon l'Historique du régiment, le Père Brottier s'illustre en tête des vagues d'assaut et laissera une deuxième soutane sur les barbelés ! Il parcourt le champ de bataille, impassible sous les bombardements, pour apporter le secours de son ministère aux blessés et aux mourants.
Après cet épisode, on envoya la division au repos de mai à juillet devant Saint-Quentin.
Un repos tout relatif car elle dut réparer les tranchées du secteur abandonnées par les anglais devant Saint-Quentin.
Et puis ce fut Verdun! Pour la deuxième fois le Père Brottier va se trouver sur le célèbre champ de bataille.
Le 1 4 août, le 121e prend possession d'un terrain plein de trous d'obus remplis d'eau devant la cote 304 qu'il doit prendre.
L'attaque est fixée au 20 août à 4h40 du matin. Elle a pour cadre un terrain lunaire sans repère où il faut cheminer à la boussole au milieu des nappes d'ypérite et des rafales de l'artillerie allemande.
Terrible journée qui voit le régiment tout donner et finir à 19h00, par s'emparer de la presque totalité de la cote 304, mais à quel prix : 580 hommes hors de combat dont 128 tués. Les jours suivants permettent de consolider puis de conquénr toute la position. Une citation à l'ordre de l'Armée et le port de la fourragère verte récompensent l'héroïsme du 121e.
C'est lors de cette bataille que survint un événement qui allait renforcer l'image héroïque et extraordinaire du Père
Brottier. Le 21 août, un officier grièvement blessé est resté entre les lignes dans le no man's land où les mitrailleuses allemandes ont libre champ et, où s'aventurer en plein jour constitue un péril mortel. Mais le Père Brottier veut à tout prix, sauver le blessé. Aussi, il attache un drapeau de la Croix-Rouge à un long bâton, et, accompagné de deux hommes portant un brancard, il avance jusqu'au blessé, le panse, le charge sur le brancard et le ramène dans les lignes françaises. Pendant ce temps, les mitrailleuses ont cessé le tir : pas un coup de feu du côté allemand. Les poilus français en restent ahuris : ahuris du toupet de l'aumônier, ahuris du silence respectueux de l'ennemi. Beaucoup ont parlé de miracle.
Mais le Père Brottier était verni : lui seul peut-être pouvait se payer de tels coups d'audace. Ce fut en descendant de Verdun que le Père reçut des poilus de la 26e division ce glorieux surnom : « l'aumônier verni ».
Il semble que ce surnom soit un mot du front. Il a persisté pour qualifier quelqu'un de chanceux.
Les soldats avaient remarqué que le Père Brottier sortait toujours indemne des grandes attaques. A Verdun, particulièrement, où il fut à trois reprises et où on le vit pendant plus de 125 jours et 125 nuits errer inlassablement dans les barbelés, rechercher des blessés et les ramener sur son dos, bravant les mitrailleuses et les tirs de barrage. Il revenait de ces héroïques équipées, les vêtements déchirés, la soutane en lambeaux, lacérée par des balles de mitrailleuse, mais toujours intact. Comme on l'a vu, il ne fut jamais blessé, jamais gazé.
En septembre 1917, le 121e tient, à nouveau, le secteur du Bois d'Avocourt où il encaisse le pilonnage de gros calibres, les minenwerfer et les différents crapouillots (mortiers) allemands.
Le ravitaillement est rendu difficile. Mais ce qui fait souffrir le plus les poilus, c'est moins la faim que la soif.
Une nuit le Père Brottier quitte les premières lignes pour aller retrouver une source qu'il avait repérée. Si la distance n'était pas très grande, il dut la faire à quatre pattes, compte tenu des bombardements incessants. Mais quand il revint les gourdes qui garnissaient en chapelet son corps étaient pleines et l'accueil qu'il reçut, à la hauteur de l'exploit !
Le 15 novembre 1917, le Père Brottier reçoit une nouvelle citation à l'ordre du 121e régiment, libellée en ces termes :
« Aumônier légendaire du 121e Ri. pour sa bravoure calme et réfléchie, son mépris du danger, son extraordinaire esprit de dévouement et d'abnégation. A pris part, avec le régiment, aux combats de Chaulnes les 6 et 7 septembre 1916, de Moulins-de-Tous-Vents, le 13 avril 1917, partant en tête des vagues d'assaut et arrivant des premiers dans les lignes ennemies. S'est prodigué en toutes circonstances et sous les plus violents bombardements, pour apporter aux blessés le réconfort de sa présence et leur apporter les soins nécessaires. Est hautement estimé et admiré de tous au régiment ».
Après une période de repos mérité, le 121e va occuper le secteur de Clermont-en-Argonne et de Vauquois. On y fait alors la « guerre des mines ». Autres occupations, autres dangers. Le Père y séjourne jusqu'à fin janvier 1918.
Dominique Boyet
Au saillant Kieffel sur la cote 304, â l'est de Verdun, des brancardiers, accompagnés d'aumôniers, s'apprêtent à parcourir le terrain dévasté pour récupérer les soldats blessés. ECPAD
Georges Guynemer et les fondements de l'Armée de l'Air
Avec le conflit de 1914-1918, beaucoup de nouveautés sont apparues sur les champs de bataille et, notamment, au niveau des moyens d'investigation et de destruction à distance.
Parmi celles-ci, l'aviation est une invention majeure.
Au commencement, les aéronefs servaient aux reconnaissances en raison d'un maniement plus pratique et offrant moins de prise aux tirs ennemis que les dirigeables. Puis, étant équipés d'armes de différents calibres, on est arrivé aux combats aériens.
Dans ce registre, Georges Guynemer, dont on commémorera le 100e anniversaire de la disparition en septembre prochain, devint rapidement un as.
Né le 24 décembre 1894 à Paris, descendant de Louis XIII et de Louis XIX par sa mère aristocrate, il vécut son enfance à Compiègne dans l'Oise.
Lorsque la guerre éclate, il se rend à Bayonne pour s'engager, mais les médecins militaires le trouvent trop chétif et le déclarent inapte. De constitution faible, toutes ses tentatives pour devenir pilote sont rejetées et il ne le devint que grâce à sa ténacité et a sa rencontre avec un officier qui le fait entrer en situation irrégulière, le capitaine Bernard Thierry. Il devient élève pilote le 21 janvier 1915.
Après avoir obtenu son brevet de pilote militaire (no 1832 le 26 avril), Il est affecté le 8 juin 1915, à l'escadrille MS.3, seule unité dans laquelle il servira, jusqu'à sa disparition. Plus connue sous le nom d'escadrille des Cigognes, elle deviendra l'unité de chasse la plus victorieuse de l'aviation française en 1914-1918.
Ferme de La Bonne-Maison, camp d'aviation, le capitaine Guynemer s'entretient avec le général Franchey d'Esperey après la remise de décoration. ECPAD
Georges Guynemer commence par effectuer des reconnaissances de mouvement de troupes et de réglages d'artillerie. Il y démontre un grand sang-froid. Aussi, ce même mois, il est promu sergent et décoré de la croix de Guerre.
Quand Guynemer arriva aux Cigognes on lui affecta l'avion que le pilote Bonnard muté avait déjà baptisé «Vieux Charles ». Le nom plut au jeune pilote, il le conservera et le fit peindre sur tous les avions qui lui furent affectés par la suite
Puis il devient pilote de chasse.
Le 19 juillet 1915, Guynemer remporte sa première victoire aérienne. Deux jours plus tard, le 21 juillet, il est décoré de la médaille militaire (ordre no 1161 « D ») avec la citation suivante :
« Pilote plein d'entrain et d'audace, volontaire pour les missions les plus périlleuses. Après une poursuite acharnée, a livré à un avion allemand un combat qui s'est terminé par l'incendie et l'écrasement de ce dernier. »
L'escadrille quitte la VIe armée le 12 mars 1916 pour se rendre sur le théâtre de la bataille de Verdun sous la férule du commandant de Rose qui regroupait toutes les escadrilles de chasse et devait imposer la suprématie des ailes françaises. Le 13 mars Guynemer est gravement blessé mais reprend l'air le 26 avril avec le grade de sous-lieutenant et le surnom honorifique d'As de l'aviation. Il combat ensuite sur la Somme de juin 1916 à février 1917.
Durant cette période, il recevra plusieurs promotions et passera ainsi de caporal le 8 mai 1915 à capitaine en février 1917.
Le 8 février 1917, aux commandes d'un SPAD VII, Guynemer devient le premier pilote allié à abattre unbombardier lourd allemand Gotha G. III6. Au cours du seul mois de mai 1917, il abat sept avions allemands. En juillet, il se met à piloter un SPAD XII, son « avion magique », armé à sa demande d'un canon de 37 mm tirant à travers le moyeu de l'hélice et d'une mitrailleuse Vickers 303 (7,7 mm). Bien que le canon promît une puissance de feu dévastatrice, il ne pouvait tirer qu'un seul coup à la fois et devait être rechargé manuellement en vol. De plus, il avait un recul important lors du tir et remplissait la verrière de l'avion de fumée. Autant dire qu'il fallait un pilote chevronné pour le manipuler tout en s'occupant de l'ennemi, sans oublier les conditions météo (le froid, le vent et la pluie)!
Le 25 mai 1917, il abat 4 avions. Pour cet exploit, le 11 juin 1917, il reçoit la rosette de la Légion d'honneur des mains du général Franchet d'Esperay.
Le 11 septembre 1917, au matin, il part avec son coéquipier, le lieutenant Bozon-Verduraz dans la région des Flandres belges à l'intérieur des lignes allemandes.
Au cours des péripéties au-dessus de Poelkapelle lors de la poursuite d'un avion ennemi, il se trouve séparé de son camarade qui le perd.
Georges Guynemer ne rentrera pas.
Le 27 septembre 1917, il est déclaré officiellement disparu par le ministère de la Guerre.
Plusieurs hypothèses seront émises dont celle le plus souvent avancée selon laquelle un sergent allemand aurait trouvé l'avion et son pilote, mort d'une balle dans la tête. Son visage correspondait à la photo de sa carte d'identité au nom de Georges Guynemer. Un pilonnage des troupes anglaises aurait pulvérisé les lieux avant que le pilote ait pu être enterré.
En tout état de cause, on ne retrouva ni son corps ni son avion.
Une plaque au Panthéon perpétue sa mémoire et une stèle a été érigée à proximité de l'endroit de sa disparition par des aviateurs belges.
Au total Georges Guynemer remporta 53 victoires homologuées, plus une trentaine de victoires probables en combat aérien. Il fut descendu 7 fois et s'en sortit alors même qu'il n'avait pas de parachute.
Georges Guynemer, officier de la Légion d'honneur et décoré de la médaille militaire aura 26 palmes sur sa Croix de guerre 1914-1917.
Il sera également décoré par le Monténégro, la Belgique, la Roumanie, la Serbie, la Grande-Bretagne, l'empire russe (dont l'ordre impérial et militaire de Saint-Georges lui sera remis, au nom du tsar, par Raymond Poincaré).
S-Lt Georges Guynemer de l'escadrille N 3 photographié devant son Spad VII n° 115 baptisé "Vieux Charles" sur le terrain de Cachy en septembre 1916-Photo SHD section Air de Vincennes
Avec René Fonck (75 victoires) surnommé I' « as des as » et Charles Nungesser (45 victoires) et beaucoup de ces nouveaux chevaliers (qui n'attaquaient pas un ennemi dont les armes ne fonctionnaient plus), il apporta à la France de l'aéronautique l'apport militaire qui manquait à ce qui allait devenir l'Armée de l'Air.
Son parcours exceptionnel valut à Georges Guynemer de devenir le héros emblématique de l'École de l'Air, à Salon-de-Provence qui a repris sa devise : « Faire face ».
L'armée de l'Air, qui deviendra une Armée à part entière le 2 juillet 1934, a baptisé deux de ses bases aérienne à Paris et Dijon.
Chaque 11 septembre une prise d'armes a lieu sur chacune des bases, au cours de laquelle est lue la dernière citation de Guynemer :
« Mort au champ d'honneur le 11 septembre 1917. Héros légendaire, tombé en plein ciel de gloire, après trois ans de lutte ardente. Restera le plus pur symbole des qualités de la race : ténacité indomptable, énergie farouche, courage sublime. Animé de la foi la plus inébranlable dans la victoire, il lègue au soldat français un souvenir impérissable qui exaltera l'esprit de sacrifice et provoquera les plus nobles émulations ».
Dominique Boyet
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