Le Centre national du contre-terrorisme
Alors que le procès des crimes de Mohamed Merah, à partir de lundi 2 octobre à Paris, risque d’être propice à de vifs débats sur les « failles », le nouveau Centre national du contre-terrorisme (CNT) voulu par Emmanuel Macron prend tout doucement ses marques. Depuis trois mois environ , la « task force » comme elle a été appelée durant la campagne présidentielle, a commencé à s’installer au sein du Conseil national du renseignement (CNR) , dans l’une des ailes de l’Elysée. Avec l’idée justement de mieux coordonner les services et de limiter leur marge d’erreur.
La structure est trop jeune pour pouvoir afficher un bilan, mais après une période d’incertitudes et de critiques sur son opportunité, les contours de son travail commencent à se faire plus précis. Dénué de tout pouvoir opérationnel - même s’il a les attributions pour s’immiscer dans la plupart des structures de coordination-, le nouveau CNR-CNCT répond au souhait du chef de l’Etat d’ »d’avoir plus de prise » sur les services de renseignement, détaille-t-on de l’Elysée.
Un des objectifs-clés : filtrer les milliers de notes écrites chaque année, identifier les angles morts et faire en sorte que la remontée d’informations vérifiées au chef de l’Etat et à ses conseillers soit à la fois plus ciblée, plus importante et plus rapide-« en temps réel, si possible »,souligne-t-on. Emmanuel Macron est un gros consommateur de notes des services de renseignement, qu’il annote et renvoie avec force questions et commentaires.
Les différents attentats ou tentatives d’attaques survenus cet été en Espagne et en France ont été l’occasion de tester les capacités de réactivité du CNR-CNCT. Le contre-espionnage ou la lutte contre la prolifération demeurent comme ils l’ont toujours été, des «éléments importants du portefeuille du CNR. Mais l’antiterrorisme est la »priorité stratégique » de l structure, dirigée par le préfet Pierre de Bousquet de Florian, ancien patron de la Direction de la surveillance du territoire (DST)
L’été a été propice aux recrutements. Parmi eux, une quinzaine de conseillers issus de tous les services , notamment ceux du »premier cercle » : direction générale de la sécurité intérieure (DGSI),direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), direction du renseignement militaire (DRM), etc…Mais pas pour « les passe plats » de leur propre maison, prévient-on. Au contraire pour sortir du fonctionnement en silo. Pour assurer une coordination optimale avec les services dits du « second cercle » (gendarmerie, renseignement pénitentiaire, préfecture de police, etc..) M.de Bousquet de Florian a notamment pris comme numéro deux celui qui était, jusque là, le directeur du renseignement territorial, Jérôme Léonnet.
Deux magistrats font également partie des troupes : un conseiller juridique et un autre , chargé d’entretenir des liens serrés avec le ministère de la justice, et plus particulièrement le parquet de Paris, afin d’assurer le suivi judiciaire des affaires ou a l’inverse de faciliter la remontée d’informations se trouvant dans les procédures. Un conseiller chargé de la coordination internationale a également été embauché pour les échanges avec les services étrangers.
En plus d’ingénieurs spécialistes des outils techniques du renseignement et de quelques analystes , le CNR-CNCT devrait compter une trentaine de personnes d’ici la fin de l’année. « Pas plus. Au risque sinon d’empiéter sur le travail des services », souligne-t-on à l’Elysée. Chose à laquelle il faut veiller si on ne veut pas braquer. On se félicite ,ainsi, d’avoir observé , fin septembre, la naissance d’un « nouvel état d’esprit » avec un « rapprochement « inédit : pour la première fois , DGSI et DGSE ont cosigné une même note d’analyse de la menace. Un petit pas dans l’espoir d’autres.
Le nouveau CNR-CNCT se veut aussi « think tank » à sa manière. Il cherche également à développer des contacts en dehors des acteurs traditionnels des services de renseignement. Plusieurs professionnels de la psychiatrie et de la recherche ont été entendus dans ses locaux , durant l’été , pour rechercher des pistes en matière de prévention de la radicalisation.
Après ses missions de conseil et de coordination, la prospective est le troisième champ Particulièrement en matière technologique ( drones, intelligence artificielle..) Un secteur dont est notamment chargé Jean-François Gayraud, l’ancien numéro deux de l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste. Il faut être en mesure de « challenger nos solutions nationales « et de » développer une intelligence du futur » , plaide-t-on à l’Elysée. Charge aux événements d’approuver ces intuitions.
Article de Nathalie Ghibert, Soren Seelow et E.V dans Le Monde du 30 septembre
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