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2 septembre 1945 : Une date méconnue des Français

La capitulation de l’Allemagne le 8 mai 1945, n’est pas pour autant la paix . La guerre est mondiale comme l’a été celle de 14-18. Le Pacifique est le second champ de bataille et à cette date le Japon n’a pas l’intention de capituler. Les pertes américaines s’élèvent encore à 1 000 morts par jour en moyenne. C’est la grande période des Kamikazes dont les avions viennent s’écraser contre les navires américains. Il faudra attendre la chute du ministère Tojo, le 22 juillet 1945, pour que l’on puisse commencer à parler de capitulation japonaise. Les bombes atomiques lancées sur Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945, puis l’ultime tentative de coup d’Etat le 14 août auront raison de l’obstination désespérée de l’état-major nippon. Le 15 août, dans un message radiodiffusé, le Mikado annonce à son peuple la défaite du Japon.

Du côté allié, les principaux belligérants sont les Américains depuis l’attaque de Pearl Harbour (7 décembre 1941) , les Britanniques , les Hollandais, les Chinois et les Français. La France est présente dans cette partie du monde au travers de ses possessions acquises au fil des siècles dont les principales sont la Polynésie française , la Nouvelle Calédonie, les Nouvelles Hébrides et L’Indochine. Seule cette dernière fait partie de la zone d’influence que le Japon s’est attribuée. Celui-ci adresse un premier ultimatum au gouvernement français, au moment de la débâcle en France le 13 juin 1940, renouvelé le 18 juin. Le général Catroux, alors gouverneur général, finit par céder deux jours plus tard au gouvernement japonais , laissant à  ce dernier la possibilité de stationner des troupes et du matériel à des endroits déterminés du territoire indochinois. En contrepartie, la France continuera à administrer et à défendre la colonie. Le général Catroux rejoint la France Libre quelques jours plus tard, remplacé par l »amiral Decoux, lui-même nommé par le gouvernement de Vichy.

C’est alors que, le 9 décembre 1941, dans la foulée des forces alliées, la France Libre déclare la guerre au Japon et lance un appel solennel à la résistance De par la volonté du général de Gaulle , la France doit payer l’impôt du sang en Indochine pour conserver son empire et son rang de grande puissance , à l’exemple de la résistance française contre l’occupant en métropole. L’administration et l’armée coloniale présentes en Indochine , coupées du reste du monde occidental, se sont préparées à l’affrontement contre le Japon depuis juillet 1940.Les autorités françaises sont  néanmoins conscientes de la fragilité de leur position et savent que le statu quo ne tient que dans la mesure où il permet au Japon de mobiliser des troupes sur d’autres fronts. Le retournement de la situation au profit des puissances alliées et la menace éventuelle d’un débarquement américain en Indochine amènent logiquement l’état-major japonais à revoir ses positions et reprendre la main sur un territoire qui devient un enjeu stratégique majeur. Les heures de l’Indochine française sont alors comptées , le Japon a choisi de la faire disparaitre le soir du 9 mars 1945.

 Un ultimatum de principe est adressé au gouverneur général, l’amiral Decoux, qui le rejette. Déjà, l’offensive est lancée sur toute la péninsule. A Hanoï, les objectifs militaires sont attaqués à 20 heures. La citadelle livre un combat acharné qui s’achève le lendemain après-midi faute de munitions, 50 % des effectifs sont tués ou blessés, les honneurs militaires sont rendus. Pour les casernes Ferrié et Balny, la lutte se termine à l’aube, avec les honneurs pour la première, au corps à corps pour la seconde.  

 A Dong Dang, 150 hommes brisent les vagues d’assaut japonaises pendant plus de 48 heures, 1 000 japonais y trouvent la mort. Les 56 Français survivants sont décapités ou éventrés.

 A Lang Son, là aussi les Japonais subissent de lourdes pertes malgré un rapport de forces très favorable à 10 contre 1. Le lendemain, les Français commandés par le général Lemonnier capitulent faute de moyens. Les 400 rescapés sont sauvagement exécutés.

A Hué, les affrontements se poursuivent jusque dans la journée du 10 mars, une bonne partie des effectifs parvient à s’échapper dans l’arrière pays.

A Thakket, les assiégés résistent pendant plusieurs jours avant de se replier dans la brousse. A nouveau, les soldats nippons se livrent à de terribles exactions. Les civils européens sont exécutés, parmi eux, le résident et deux évêques.

Dans le sud de la Cochinchine, la défense française s’illustre en une multitude de combats isolés dans les garnisons ou dans la brousse, sans rescapés pour la plupart, oubliés de l’histoire comme à Thudaumot, où le bataillon Molard combat jusqu’au dernier des ses hommes.

Pendant ces trois jours de combat sans merci, certains ont pu décrocher à temps et rejoindre la brousse. C’est l’épopée connue de la colonne Sabatier- Alessandri constituée de 5 000 hommes dont 3 000 indochinois, qui ne passera la frontière chinoise qu’après deux mois d’une retraite harassante et 60 engagements , sans qu’aucune aide des alliés ne leur vienne en aide, comme d’ailleurs sur le reste du territoire.

D’autres détachements en Annam et en Cochinchine ont réussi à prendre la brousse : certains tiennent jusqu’à la capitulation japonaise 5 mois plus tard dans le Haut-Laos et dans la chaîne annamitique, grâce, entre autres ,à l’appui des populations locales. La plupart n’en reviendront pas, seuls quelques survivants réapparaîtront à l’état de squelettes vivants. Le maquis de Tranbassac, dans le sud, offre une résistance organisée. Avec plus de 1 000 hommes, il défendra la pointe de Camau avant de succomber le 26 mars.Il y aura 160 rescapés.

 Des noms sont inscrits dans la mémoire nationale comme Compagnons de la Libération à titre posthume : le capitaine Jean d’Hers, grand résistant de la première heure qui, à la tête du service action de Transbassac, harcèlera les Japonais pendant 10 jours avant de succomber le dernier, le lieutenant-colonel Charles Lecoq, mortellement blessé lors d’une charge héroïque pour reprendre le poste d’Ha Coî. Deux mois plus tard c’est René Nicolau, chef d’un réseau de résistance, qui meurt des suites des tortures subies.

La totalité des Français d’Indochine seront fait prisonniers et resteront sous bonne garde des soldats japonais jusqu’au début de l’année 1946 alors même que le Japon a déjà capitulé depuis plus de 6 mois.

 Les militaires et civils pris les armes à la main sont internés dans des camps parfois torturés . Citons le camp de la Mort Lente à Hoa Binh, sans doute le plus sinistre, où vont sombrer , en moins de quatre mois, plus de 4 000 hommes soumis à des travaux forcés dégradants dans l’une des régions les plus malsaines de l’Indochine.

Les résistants et ceux qui assuraient le renseignement sont internés par la gendarmerie japonaise- le Kempetaï-et systématiquement torturés , beaucoup d’entre eux n’en ressortiront pas, tel l’ingénieur des travaux publics René Nicolau, déjà cité.

La grande masse des civils est regroupée dans des camps ou astreinte à résidence. Souvent affamés, ils font l’objet au quotidien d’humiliations, d’intimidations, d’agressions, quelques fois de viols ou d’empoisonnements.

Il faut y ajouter les nombreuses victimes autochtones, partisans fusillés, populations massacrées en représailles à l’aide apportée à nos troupes en retraite, à nos groupes d’action et aux civils démunis.

Le souhait du général de Gaulle a été exaucé , le sang français a coulé en Indochine. C’est à ce titre que la France a le droit d’assister à la reddition japonaise comme notre pays avait pu assister à la reddition allemande le 8 mai 1945. Aux actes héroïques de la Résistance en Franc, l’Indochine française a répondu par son sens du sacrifice et ses actes de bravoure désespérés.

Le 2 septembre 1945, les principaux belligérants ayant été en guerre contre le Japon, dont la France représentée par le général Leclerc de Hautecloque, sont réunis sur le croiseur Missouri ancré dans la baie de Tokyo pour parapher l’acte de capitulation du Japon… La Seconde Guerre mondiale est alors officiellement terminée.

 Depuis lors, l’ensemble des alliés anglophones commémorent le  V-E  (Victory-Europe) Day, jour de la victoire en Europe et le V-J (Victory-Japan), jour de la victoire sur le Japon. La France elle , donne une importance particulière au 8 mai 1945, qui s’est progressivement imposé comme un second 11 novembre. Cette date est chômée et fériée depuis 1982, elle véhicule le message de la lutte pour la liberté et la démocratie. En revanche, aucune commémoration officielle ne marque la date du 2 septembre 1945, ignorée des Français. Pourquoi ? C’est pourtant l’occasion de rappeler la contribution de notre pays à la lutte contre le Japon, et le rayonnement de la Franceau-delà de la simple sphère occidentale.

(article de Loïc  de Laborie, Historien, secrétaire général de l’association Citadelle et Maquis d’Indochine 1939-1945)

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