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Pourquoi la France s’engage militairement en Centrafrique

Opérations extérieures
Pourquoi la France s’engage
militairement en Centrafrique
Une semaine avant le Sommet de l’Elysée qui réunira les 6 et 7 décembre à
Paris les chefs d’Etat, ou leurs représentants, de l’ensemble des pays africains
pour une réunion consacrée à la Défense et à la Sécurité du Continent noir, la
France a donc clairement annoncé la couleur et déclaré qu’elle allait s’engager
militairement en République centrafricaine (RCA)… puisque personne d’autre ne
veut vraiment y aller.
Elle le fera dès que sera votée, mardi ou mercredi prochains à New York, une
résolution du Conseil de sécurité de l’ONU lui donnant le « feu vert » pour
intervenir en appui de la force africaine de la Mission internationale de soutien à
la Centrafrique (MISCA), qui doit elle-même théoriquement se déployer sur le
terrain à compter du 19 décembre et comptera à terme de 3 000 à
4 000 hommes.
Après plusieurs mois de flottement, d’incertitude et d’hésitation à la suite du coup
d’Etat de mars dernier ayant porté au pouvoir à Bangui une coalition hétéroclite
de rebelles musulmans de la Seléka (Alliance en langue sango), les choses
semblent donc se précipiter… enfin !
Le but premier de cette intervention militaire est, bien sûr, d’empêcher que cette
ancienne colonie française, qui est devenue aujourd’hui l’un des pays les plus
pauvres de la planète, ne sombre définitivement dans le chaos puisque les
milices y font déjà la loi depuis près d’un an. Il convient également d’éviter in
extremis un « scénario à la rwandaise », avec un risque de génocide menaçant
les chrétiens, qui représentent environ 80 % de la population.
« Comme au Mali, il ne faudra surtout pas s’éterniser… »
Comme lors du lancement de l’opération Serval, le 11 janvier dernier, l’objectif
initial de cette nouvelle intervention française au coeur de l’Afrique est donc plus
que louable. Mais, souligne aussitôt un officier d’état-major, « comme au Mali, il
ne faudra surtout pas s’éterniser ».
En recevant mardi dernier le Premier ministre de Centrafrique de passage à
Paris, Laurent Fabius a d’ailleurs annoncé que la France allait déployer dans ce
pays un millier d’hommes pour une mission de six mois tout au plus. C’est du
moins l’affichage de départ… car l’on sait pertinemment que ce genre de
promesses est rarement tenu et respecté. Ces principes et règles d’engagement
fixent un cadre que les contraintes de la mission et les premières escarmouches
sur le terrain font rapidement voler en éclats. On sait quand on commence une
guerre et même une opération de maintien de la paix, jamais quand celle-ci ou
celle-là s’achèvera car même les meilleurs stratèges et les états-majors les plus
aguerris ne prévoient jamais tous les scénarios possibles.
Une guerre reste avant tout une grande inconnue, mais comme il s’agit cette
fois-ci – et on veut bien le croire – d’éviter que la Centrafrique ne devienne un
vaste « trou noir » qui soit le réceptacle de toutes les rébellions des pays
avoisinants, comme le Tchad, les deux Congo, les deux Soudan et le Cameroun
où est déjà active Boko Haram, la secte islamiste du Nigeria, nous n’avons guère
le choix. Et c’est l’honneur de la France et de son armée de pouvoir y intervenir
en urgence.
Pour pouvoir passer à l’action en temps et en heure, nos militaires et notamment
l’EMA (Etat-major des armées) ont bien entendu pris en amont toutes les
mesures qui s’imposent pour que nous ayons au moment opportun le bon niveau
de forces pré-positionnées à proximité immédiate de ce nouveau théâtre
d’opération.
Le 16 novembre, il y a donc deux semaines jour pour jour, le BPC (Bâtiment de
projection et de commandement) « Dixmude » a ainsi appareillé de Toulon à
destination du Golfe de Guinée avec, à son bord, une importante ROE (Réserve
opérationnelle embarquée) de 350 hommes issus principalement d’une unité de
commandement et de soutien du 8e RPIMa (Régiment de parachutistes
d’infanterie de marine) de Castres, prêts à rejoindre leurs « frères d’armes » du
même régiment déjà déployés depuis plusieurs mois à Bangui, où ils sécurisent
notamment l’aéroport international M’Poko.
« Une capacité pré-positionnée majeure »
Prêts à débarquer, sans doute à Douala, au Cameroun, car la Centrafrique n’a
pas de côtes, avec des VAB (Véhicule de l’avant blindé) et des VBL (Véhicule
blindé léger) et quelques hélicoptères de manoeuvre et d’appui, ces « bérets
rouges » constituent d’ores et déjà une « capacité pré-positionnée majeure » et,
dès la semaine prochaine peut-être, la tête de pont nécessaire à Bangui à l’envoi
par les airs de renforts plus importants.
« On a envoyé à Bangui un détachement du génie de l’air d’un peu moins d’une
trentaine d’hommes qui ont pour mission d’aménager la plate-forme aéroportuaire
pour être en mesure, s’il le fallait, d’accueillir des renforts, qu’il s’agisse de
renforts français ou de renforts africains », précisait jeudi le porte-parole de l’EMA
, le colonel Gilles Jaron.
Côté français, on parle d’environ 800 hommes, c’est-à-dire la valeur d’un
régiment au complet. Même si nos soldats finalement engagés seront comme
d’habitude issus d’unités d’élite (paras, marsouins et légionnaires)
complémentaires, dont plusieurs compagnies sont actuellement à tour de rôle en
alerte « Guépard » à 12 heures ou à 72 heures, tous rêvent bien sûr d’en être
pour, comme en Afgha puis au Mali, pouvoir faire « in situ » leur vrai métier de
soldat, pour lequel ils s’entraînent tout le reste de l’année.
Mais cette intervention militaire imminente en Centrafrique, sans doute
nécessaire, a bien entendu aussi un effet pervers. Celle de faire oublier un peu
facilement les coupes claires dans les effectifs et les équipements prévues par le
nouveau Livre Blanc, que la LPM (Loi de programmation militaire) 2014-2019
actuellement en discussion au Parlement commence à décliner et à mettre en
musique.
Pour le président François Hollande comme pour son ministre de la Défense
Jean-Yves Le Drian, cette nouvelle opération militaire en Afrique semble donc
tomber à point nommé. Nos armées y démontreront à coup sûr – du moins nous
l’espérons – leur professionnalisme et leur exceptionnel savoir-faire et la
démonstration sera ainsi faite que la France garde les capacités d’intervenir
simultanément sur plusieurs théâtres avec efficacité : en Centrafrique en même
temps qu’au Mali. Et ce en dépit d’un budget de la Défense, officiellement
« sanctuarisé », comme ne cesse de le répéter Hollande, mais qui en réalité va
fondre au soleil d’année en année, comme on s’en apercevra bien vite, mais trop
tard…
Et cette concomitance des événements va permettre au président – pourtant
tombé à 15 % seulement d’opinions favorables dans les sondages – de sauver
sans doute une nouvelle fois la face, du moins provisoirement. Tant il est vrai
qu’une guerre courageuse peut rapidement faire oublier une discussion
budgétaire houleuse.
YVES BRUNAUD
Article extrait du n° 7991 de Présent, du Samedi 30 novembre 2013

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