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Projet de loi sur le renseignement (mars 2015)

Il y a une amère ironie de l’histoire à constater que c’est à la gauche pour la deuxième fois, que revient l’initiative de rogner sur les libertés fondamentales pour laisser travailler les services secrets. Michel Rocard avait, en 1991, encadré les interceptions de sécurité- les écoutes administratives, c'est-à-dire policières, à distinguer des écoutes judiciaires- après le retentissant scandale des écoutes de l’Elysée pendant les années Mitterand.

 C’est désormais Manuel Valls qui a fait adopter en conseil des ministres, jeudi 19 mars, un projet de loi sur le renseignement qui mériterait de porter son nom tant il accorde de latitude au locataire de Matignon. Une nouvelle loi était incontestablement nécessaire : la vieille loi de 1991, votée à une époque où les portables n’existaient pas, a été constamment rapiécée et ne correspondait en rien à l’évolution des technologies.

Mais force est de constater que le projet de gouvernement est aujourd’hui taillé sur mesure pour les services spéciaux, sans garanties sérieuses de contrôle de leurs activités. Il s’agit d’abord de régulariser leurs pratiques. Comme si l’on ne s’apercevait qu’au début du XXX ème siècle que l’essentiel de leurs activités « n’est pas encadré juridiquement » - pour appeler un chat un chat , est illégal.

On peut faire semblant d’ignorer que les services entrent clandestinement fouiller des appartements ou poser des micros, interceptent les données téléphoniques et scrutent ce qui leur parait utile sur Internet comme l’a souvent relevé Le Monde. La loi leur en reconnaît le droit et met fin à une certaine hypocrisie.

 Il serait ridicule de se refuser à porter atteinte à des valeurs aussi impérieuses que le droit à la vie privée, tant le monde est lourd de menaces, terroristes, au premier chef. Les services secrets, essentiels dans une démocratie, doivent pouvoir travailler, et dans un cadre légal. Mais il ne peut y avoir de pouvoir sans contrôle, et c’est bien là que le projet Valls est fragile.

 Toutes les demandes de recueil de renseignement doivent être autorisées par le premier ministre, après l’avis d’une commission élargie, soumise au secret-défense. Mais, à la différence de la loi de 1991, le premier ministre peut autoriser les services « en cas d’urgence absolue » à se passer d’un avis préalable de la commission. Ce n’est pas faire injure aux services que d’imaginer qu’il ne sera pas trop difficile d’organiser cette « urgence », à partir d’éléments dont eux seuls ont le détail.

 Le contrôle a priori des activités des services n’est donc plus total. Le contrôle a posteriori a,lui, été considérablement affaibli : les services sont désormais contraints de tenir «   des registres » , que la commission demandera poliment à consulter. Au lieu d’avoir , comme aujourd’hui, un retour en temps réel des mêmes données que les services demandeurs, pour en vérifier la légalité. Certes, le Conseil d’Etat sera désormais une instance de recours, mais y faire appel pour un particulier risque d’être compliqué tant les méthodes des services sont par nature secrètes.

 Comme aujourd’hui, le juge judiciaire est totalement absent du contrôle du renseignement, et on n’a guère entendu Christiane Taubira s’en émouvoir. Nul ne met en doute la fibre républicaine de Manuel Valls, mais imaginer un tel pouvoir des services secrets à la discrétion d’un autre premier ministre, peu regardant, fait froid dans le dos.

Editorial du 21 mars 2015 du Le Monde.

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