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Négociations au Mali

C’est à marche forcée, une tentative presque désespérée pour remettre le nord du Mali sur le chemin de la paix. Jeudi 19 février, à Alger, le gouvernement malien et six groupes armés du nord du Mali ont signé une »déclaration » dont l’objet n’est pas de constituer, à ce stade, un plan de paix, mais de parer au plus pressé : encadrer la cessation des combats dans cette partie du pays, laquelle menace de plonger dans un chaos qui ne pourrait que profiter aux djihadistes de retour en force dans la région. Le texte est destiné, selon le ministre algérien des affaires étrangères, Ramtane Lamamra, dont le pays est le chef de file de la médiation internationale sur la crise au Mali, à «  créer sur le terrain un climat et un état d’esprit propre à favoriser le progrès des négociations afin d’aboutir à un accord de paix global ».Ces précautions langagières en disent long sur l’état du nord Mali.

Les délégations du gouvernement et de six groupes armés se retrouvent à Alger pour un round de négociations le cinquième depuis juillet 2014. Mais cette initiative fait à présent figure de dernière chance. Le chef du Mouvement national de libération de l’Azawad(MNLA) Bilal Ag-Cherif, a assuré que des discussions de »bonne foi » allaient suivre. Il reste à se mettre d’accord sur le type de statut que la partie nord du pays pourrait obtenir. Mais dans l’immédiat, les parties signataires s’accordent sur »la poursuite de la mise en œuvre des mesures de confiance notamment la libération des personnes détenues » et se sont engagées à mettre fin immédiatement  à »toute forme de violence ».

Cela ne sera pas facile. Le nord du Mali glisse dans une fragmentation complexe, en raison de la multiplication de groupes armés. Il n’y a plus seulement, face à face, des rebelles touareg et des autorités centrales de Bamako. Non que les « Touareg » constituent un groupe homogène, pas plus que la plupart des groupes à base « ethnique » du nord du pays qui ont explosé en tendances divergente, comme le mouvement arabe de l’Azawad (MAA), éclaté en plusieurs ailes. Dans la masse croissante des groupes armés, se trouvent des rebelles, des milices progouvernementales, alors des groupes djihadistes font un retour en force, certains d’entre eux circulant à nouveau dans des zones de l’Adrar des Ifoghas, dont les avaient chassés les troupes françaises de l’opération « Serval » en 2013.

Cette multiplication des groupes donne la mesure de la difficulté sur le terrain. Ainsi à Tabankort, zone cruciale au sud de Kidal, s’y affrontent depuis un mois rebelles du MLNA (et leurs alliés) et des milices progouvernementales, en l’occurrence le Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia), dans lequel se trouvent d’anciens éléments du Mujao ou d’Ansar Eddine, deux ex-mouvements de la mouvance djihadiste.

Ce n’est pas que Bamako soit allié aux djihadistes, mais ce n’est plus l’armée malienne qui intervient dans cette zone, préférant avoir recours à des milices dont elle ne contrôle pas la composition. Les éléments réguliers ont quitté une partie des villes principales de la région au nord  du fleuve Niger depuis les combats  à Kidal avec le MLNA, en mai 2014,pour se replier vers Gao ou d’autres villes dont ils sortent à peine (Tessalit, Ménaka). Depuis des milices progouvernementales ont été organisées et se battent avec les rebelles. Les autres groupes ethniques, Peul et Songhaï, ont aussi réorganisé des milices. Fin janvier 2015, une attaque du Gatia a été accompagnée d’actions de  kamikaze.

 

La confiance dans ce climat sera difficile à établir. D’autant qu’un fourmillement de groupes divers n’est pas intégré dans le processus des négociations. « Hélas, c’est en effet une grande tradition au Mali. Depuis les années 1990 , l’Etat arme des milices communautaires qui se substituent à son armée, de plus en plus défaillante », écrit Moussa Ag-Acharatoumane, responsable de la communication du MLNA, dans une tribune adressée à plusieurs médias, dont Le Monde.

Ce membre influent du mouvement rebelle s’interroge avec ironie sur les intentions du gouvernement malien : »Bamako a-t-il fait le choix de diviser pour mieux régner, et de se battre entre elles des populations locales, plutôt que d’accorder une once d’autonomie à ces régions méconnues et méprisées ? Le Mali aveugle continue ainsi à foncer tête baissée dans le mur ».

Ce texte donne le ton des tensions qui règnent dans le nord du pays et à la nation toute entière : le Mali est à nouveau en crise.

Article de Jean-Philippe Rémy dans Le Monde du samedi 21 février 2015

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