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Effort de défense à 2 %

En vue de l’élection présidentielle, le chef d’état-major des armées, Pierre de Villiers, a-t-il eu raison de promouvoir un objectif simple, celui de porter à 2 % du produit intérieur brut (PIB) l’effort de défense du pays, contre 1,78 % aujourd’hui ?

La « communauté de défense », ministère, industriels et parlementaires réunis, a souscrit à cet angle d’attaque : c’était, a-t-elle jugé, la seule manière d’imposer un sujet qui n’occupe jamais le devant de la scène électorale. Les »2 % » permettraient de traduire la prise de conscience des menaces qui se sont brutalement imposées à tous depuis 2014 : agressivité russe, terrorisme islamiste en France et à l’extérieur ,mais aussi nouvelles incertitudes stratégiques, depuis la course à la bombe de la Corée du Nord jusqu’au Brexit.

En présentant sa feuille de route sur la défense, vendredi 31 mars, François Fillon s’est engagé à augmenter dès 2018 le budget-ce qui est déjà prévu, la question est de savoir dans quelle proportion cela aura lieu  - et le candidat LR a déclaré vouloir atteindre les 2 % en 2023. Soit l’année terminale d’une nouvelle loi de programmation militaire (LPM) 2019-2023, à laquelle les principaux candidats souscrivent eux aussi. Objectifs ? Moderniser la dissuasion, combler les manques criants de l’équipement des armées et préparer les armes futures. Ce triptyque est déroulé par le chef d’état-major depuis des mois. »Sur les dix dernières années, on a demandé à la défense 40 % des économies réalisées sur les dépenses de l’Etat ». a déclaré M.Fillon lors d’un meeting à Toulon.

Dans la campagne, en apparence, le général de Villiers a donc été entendu. Avec l’aide de l’actuel ministre de la défense Jean-Yves Le Drian, qui a depuis 2012 toujours su obtenir le soutien des ténors de la droite pour préserver son budget face à Bercy, les 2 % bénéficient d’un consensus assez large.

Les principaux candidats s’y sont engagés , à l’exception de Jean-Luc Mélenchon , qui juge dans la Revue de la Défense nationale « d’avril « inutile de graver dans le marbre un pourcentage qui ne signifie rien en lui-même ». Le candidat de la France insoumise souhaite que la France quitte l’OTAN, or c’est dans l’Alliance , en 2014,qu’elle s’est engagée avec ses 27 partenaires à atteindre cet effort dans les dix ans.

Le chef d’état-major a un plan précis, fondé sur une analyse des menaces sur cinq ans qui, elle n’a pas été rendue publique : passer d’un budget de 32,7 milliards en 2017 à 42,5 milliards dès 2022.Le gouvernement actuel  a repoussé à 2018 et 2019, soit les deux dernières années de sa programmation, l’essentiel des augmentations de crédits décidées par François Hollande après les attentats de 2015.Il s’agirait d’accélérer fortement cet effort. A y regarder de plus près, cependant, les engagements des candidats restent très généraux.

François Fillon renvoie ses décisions financières à une nouvelle « revue stratégique » à la fin de l’été. Il annonce une « redéfinition » des opérations extérieures  et un « redimensionnement » de l’opération « Sentinelle » en France. Dans l’attente de précisions, ces deux projets sont compris pour l’heure comme une diminution des engagements militaires.

Le 23 mars, à Strasbourg, le socialiste  Benoît Hamon s’est inscrit dans la continuité. Tout comme Emmanuel Macron, à Paris le 18 mars. Les mots des deux candidats issus des rangs de la majorité précédente diffèrent peu. Ils ont été choisis ou fortement influencés par l’équipe de Jean-Yves Le Drian qui a fini par rejoindre le leader d’En marche.

Les deux candidats vantent « l’autonomie » stratégique héritée du gaullisme, les alliances de la France (OTAN et Union européenne) et la légalité internationale de ces opérations. Ils veulent conforter la cyberdéfense , le renseignement. Le premier souscrit à la lettre au plan de l’état-major : La future LPM « portera en 2022 à 2 %du PIB l’effort de défense ».M.Hamon dit lui aussi vouloir combler les « déficits de capacités »   (hélicoptères, ravitailleurs, patrouilleurs), mettre les ressources au niveau des opérations en cours, car elles dépassent les contrats fixés par le Livre blanc de 2013, et garantir la dissuasion.

M.Macron propose 2 % , mais en 2025, au nom du réalisme. Soit, précise- t-il , un budget de 50 milliards d’euros contre 32 milliards en 2017. »Les volontaires d’estrade, lorsqu’ils se heurtent à la réalité de la gestion, ont une victime la communauté de défense ».Mais ajoutant à son panier l’idée  d’un service militaire obligatoire d’un mois ,aux contours flous et au coût faramineux de 15 à 20 milliards d’euros le candidat  d’En marche a brouillé son message.

Marine Le Pen , quant à elle, surenchérit : ce sera « 3% à l’horizon 2023-2025», et « cela correspond dès 2018 à une augmentation du budget d’environ 4,5 milliards par rapport à la trajectoire prévue »   

Pour la candidate du Front national, il s’agit de « revenir sur la longue  diminution de l’effort, qui s’est accéléré sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy-Fillon et poursuivie jusqu’en 2016 par M.Hollande, qui a conduit à la suppression de 70 000 postes et à la réduction de la plupart des grands programmes d’armement ». Son objectif est jugé totalement irréaliste par tous les experts.

Les « 2 % »sont ainsi devenus le slogan de tout prétendant  à la fonction de président chef des armées responsable dans un monde dangereux. Derrière, les grands choix stratégiques  que cela implique échappent au débat présidentiel. Aucun des candidats ne s’attaque à un bilan précis des opérations extérieures du quinquennat Hollande. Nul ne dissèque le » modèle complet » d’armée , dans lequel les trous capacitaires affaiblissent l’autonomie française. La faisabilité d’un fonds européen d’investissement a été peu explorée , sauf par M.Macron.

 « Le prochain quinquennat sera le moment de vérité de la défense française », résume Corentin Brustlein dans une note comparative de l’Institut français des relations internationales consacrée à l’agenda diplomatique du prochain président. Pour ce dernier, en raisondu sous-financement structurel des armées « l’héritage des mandats précédents est si lourd ( ;;;) que le quasi-consensus concernant les 2 % du PIB masque l’enjeu du prochain mandat : le besoin de crédits continuant de croître de un à deux milliards d’euros par an sur toute la durée de la législature ».

En privé, devant ses interlocuteurs, le chef d’état-major ne cache pas ce qu’il dira au nouveau président : « si je n’ai pas mes 2 %, ce sera sans moi »

Article de Nathalie Guibert dans Le Monde du 3 avril 2017

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